3 questions à... Rémi Doucet
26 nov 20213 questions à
Le 16 novembre 2021, le CROAIF était présent au séminaire de la DRIEAT et de la DRAC "Préservation du patrimoine et rénovation énergétique : un séminaire pour savoir comment agir".
Rémi Doucet, Vice-Président de l'Ordre était sur place pour représenter l'institution. Il revient sur cet événement en répondant à 3 questions.
1. Quel était l’enjeu de ce séminaire ? et jugez-vous que le sujet abordé soit crucial pour la profession et la discipline ?
Ce séminaire a été initié par les deux services déconcentrés de l’état que sont la DRAC, pour le ministère de la culture, garant de la qualité architecturale, et la DRIEAT pour le ministère de la Transition écologique, garant des objectifs climatiques et environnementaux, pour co-construire ensemble, avec tout l'écosystème de la rénovation, la politique publique. Il faut arrêter de penser et d'agir en silo et accélérer le rythme des rénovations thermiques de qualité pour être en phase avec les enjeux climatiques et sociétaux actuels. Massifier les gestes techniques sans qualité architecturale serait une erreur, mais tout bloquer au nom de celle-ci en serait une autre. Notre discipline est là depuis toujours pour résoudre ce type de contradiction, sans opposer les uns aux autres, et au contraire tirer vers le haut l'ensemble de l'écosystème.
- 2. Les constats posés lors de ce séminaire, par les divers intervenants, rejoignent-ils ceux soulevés par l’Ordre ?
Oui, les constats posés lors de ce séminaire font consensus.
Il ne se passe plus un mois sans que le sujet de la rénovation thermique ne soit à la une des actualités: La convention citoyenne, suivie de la loi climat, le rapport du GIEC et le sommet de Glasgow, les récents scénarios RTE et Négawatt sur l'énergie, les rapports de la fondation Abbé Pierre sur la précarité énergétique... Les constats vont tous dans le même sens.
Aux urgences écologiques s'ajoutent donc les enjeux économiques, sociaux, voire géopolitiques. Nous devons lutter contre la précarité énergétique encore trop présente, et qui a un impact considérable sur le cadre de vie des franciliens. En IDF, le secteur du bâtiment consomme la moitié de l'énergie finale, c'est plus que dans les autres régions, où les autres secteurs sont un peu plus forts.
On est aussi revenu sur l'adaptation des villes au changement climatique, notamment lors des canicules, voir des dômes de chaleur qui vont devenir malheureusement inévitables et potentiellement dramatiques, surtout dans les zones denses... En ce sens, l’enjeu posé par une meilleure prise en compte du confort d’été doit être au cœur des discussions.
Si on zoome sur la filière rénovation, on constate aussi les freins, de toute sorte qui pèsent sur la massification et la qualité: freins financiers, car les moyens et les dispositifs ne sont pas à la hauteur des enjeux, freins administratifs, freins techniques et règlementaires. Sur ce dernier point , les freins sont nombreux, et ils tardent notamment à s'ouvrir à l'innovation, à l’instar du recours aux matériaux biosourcés et leur place en rénovation...
Il y a des freins humains enfin, car la rénovation a longtemps été le parent pauvre de la construction. Seul le patrimoine officiel était encore enseigné et reconnu comme une filière d'excellence. Or aujourd'hui, c'est à la fois un champ d'engagement politique et sociétal profond, mais aussi d’expérimentation technique d'avant-garde, comme on l'a vu dans ce séminaire avec les nombreux exemples de rénovations en biosourcés, avec des gestes techniques ambitieux qui transforment l'enveloppe, des matériaux anciens réinterprétés qui redonnent vie aux techniques anciennes, un dialogue fort avec des usages et des usagers déjà là... .
Comme l'a rappelé Julien Bigorne de l'APUR, 59% des parcelles parisiennes ont connu un ravalement entre 2006 et 2020, dont seulement 3% avec de l'ITE . Le parc n’arrête donc pas de se renouveler, et on continue à faire massivement comme avant, des ravalements simples, que d'occasions manquées à redonner vie à nos patrimoines anciens et récents !
- 3. En ce sens, quelles actions a entrepris ou compte entendre l’Institution ?
Dans les prochains mois, notamment au regard des échéances électorales 2022, et en lien avec le CNOA, on doit continuer à imposer ces sujets stratégiques sur la scène médiatique, politique et pédagogique des écoles d'architecture et des formations. Les soutiens politiques et moyens financiers tant sur les travaux eux-mêmes que sur l'environnement législatif, l'accompagnement institutionnel (sous effectif criant des ABF) suivront.
Le rôle précis de l'architecture au sein de l'écosystème de la rénovation et des politiques publiques sera évidemment un des points de discussion avec l'APC et les ALECS franciliennes, qui vont assurer à partir de janvier 2022 la mise en œuvre du plan de financement France Renov', pour les particuliers et les copropriétés. La notion d'accompagnateur devra être précisée très concrètement dans les dispositifs locaux. L'ile de France sera bien sûre une des régions les plus regardées, tant la copropriété y est un modèle dominant.
Nous allons participer aux travaux communs de la DRAC et de la DRIEAT, notamment pour aider les ABF, qui sont aujourd'hui surchargés mais isolés dans leur mission devenue impossible, entre impératifs contradictoires et manque de moyens humains, institutionnels et techniques.
On va aussi travailler avec l'AQC pour accélérer la transition des règles d'assurabilité des biosourcés et des matériaux de réemploi.
Enfin, parmi nos actions phares, nous entendons poursuivre l’action collective, initiée en 2019 avec les acteurs/organisations/fédérations agissant sur la question de la rénovation énergétique des copropriétés, qui avait abouti à la publication du livret de 12 propositions « faire plus et mieux pour les copropriétés ! ».
Question bonus - Jugez-vous que l’ensemble des problématiques ont bien été abordées ? Si non, sur quel autre point auriez-vous appuyé ?
Les échanges ont été foisonnants, on a vu les professionnels, les administrations, les élus, les institutions comme la nôtre poser sans tabou les constats, et on a senti un vrai désir d'accélérer et de travailler ensemble, de trouver les solutions aujourd'hui pour donner à nos villes le nouveau souffle de demain et garantir au plus grand nombre l’intérêt public de l’architecture.
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