3 questions à... Véronique Pappe, Directrice d'Ekopolis

1. Ekopolis et l'Ordre des architectes d'Ile-de-France relancent le cycle "Retour sur le Durable" en 2025 pour une onzième édition. En quoi consiste ce cycle de conférences pour le public ?

Co-construit par le CROAIF et Ekopolis, le cycle “Retour sur le durable” témoigne d’une volonté partagée : promouvoir la réflexion des professionnels sur la façon de construire et de réhabiliter, et faire ainsi évoluer leurs pratiques. La première édition de ce cycle suit de peu la conférence environnementale sur le développement durable organisée par la France en 2012. Il a profité de cet élan.

Ce cycle annuel de conférences est conçu pour nourrir la pratique professionnelle des acteurs franciliens du bâtiment, à raison d’un lundi soir par mois, durant trois à quatre mois, selon les années.
Depuis 2013, des maîtrises d'oeuvres et maîtrises d’ouvrage, voire des entreprises, sont invitées à partager les problématiques qu’elles ont rencontrées sur une opération particulière, et les solutions qu’elles ont élaborées pour s’assurer de leur qualité, c’est-à-dire de leur pérennité. La thématique de chaque édition est définie conjointement par la CROAIF et Ekopolis. Le format est resté inchangé: en 1h30, une ou deux opérations font l’objet d’un retour d’expérience de leur équipe projet.

Loin d’une approche descendante, les conférences donnent lieu à une séquence d’échanges avec le public de professionnels. Il s’agit d’avoir une réflexion rétrospective sur les choix qui ont été opérés, à chaque étape du projet, pour assurer les objectifs de durabilité. Ces choix ont-ils été féconds? Sont-ils reproductibles? Quels enseignements en tirer pour faire avancer la communauté de professionnels que nous souhaitons porter?

À travers cet exercice, les professionnels présents précisent ensemble la définition même du bâtiment et de l’aménagement durables et le lien étroit existant entre durabilité, matériaux/ ressources, environnement et usage. La longévité de ce cycle, plus de dix ans, témoigne ainsi d’un intérêt non démenti (on pourrait même dire durable !) des professionnels pour la transition écologique du bâtiment et l’échange constructif entre pairs.

2. La thématique retenue cette année sera "Adapter le bâti", dans la continuité de notre précédent cycle sur la rénovation et la réhabilitation du bâti existant en 2023. Quels constats portez-vous autour de ce sujet vital en Ile-de-France et au-delà ?

La thématique retenue renvoie à deux enjeux majeurs: au besoin d’adaptation du bâti au changement climatique d’une part, et au besoin d’adapter la programmation des bâtiments à la transformation des modes de vie et des mobilités, pour diminuer notre impact sur l’environnement et introduire de la mixité, d’autre part.

Pour adapter son territoire, la France s’est dotée récemment d’une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC)¹.

Aujourd'hui, le réchauffement moyen en France est de 1,7% par rapport à 1850. Et si la tendance actuelle se poursuit, il va s’amplifier de manière constante, de 3% en 2050 et de 4% en 2100. Ses effets également, à travers notamment l’augmentation des vagues de chaleur et des précipitations élevées. Ce sujet mobilise Ekopolis depuis plusieurs années. L’année dernière, le cycle Réhabi[li]ter questionnait ainsi les professionnels sur la manière d’adapter l’existant aux risques climatiques (inondations, risque canicule, retrait et gonflement des argiles).

Les mesures d’atténuation ne suffiront pas à renverser la tendance, même si les efforts doivent être poursuivis pour réduire notre impact sur le vivant et l’environnement.

Le sujet de l’adaptation ne se limite pas à l’enjeu climatique. Il renvoie ainsi aux modes de fabrication de la ville. S’adapter, c’est faire avec les bâtiments existants, c’est-à-dire concevoir leur réhabilitation et leur transformation programmatique, vers plus de mixité, dans une approche de circularité.

En Ile-de-France, les acteurs se mobilisent² à des rythmes inégaux et le risque de mal-adaptation demeure élevé quand un soin insuffisant est porté à l’existant, à la préservation des ressources, à la gestion de l’eau et à la biodiversité.

La rénovation et la réhabilitation des bâtiments prennent encore insuffisamment en compte la qualité du bâti, c’est-à-dire son mode constructif, la nature des matériaux qui le composent, voire les transformations qu’il a connues durant son cycle de vie. Si la réduction des consommations énergétiques par des rénovations globales et performantes demeure un objectif, ces dernières doivent inclure une réflexion sur d’adaptation au risque chaleur. J’ajouterais que l’adaptation d’un bâti ancien ne peut se concevoir de la même manière qu’un bâtiment des Trente Glorieuses ou post-74, c’est-à-dire construit après la première réglementation thermique et les suivantes. C’est à ces problématiques que la 11ème édition du cycle RSD s’efforce de répondre.
 

3. Plus largement, Ekopolis est pleinement engagé en faveur de l'adaptation du bâti au dérèglement climatique et à la transition écologique du bâti. Quelles sont vos actions en la matière et comment agissez-vous auprès des professionnels du secteur pour les sensibiliser à ces questions ?

Ekopolis est effectivement engagé dans ce sens, à travers les 4 missions que nous portons.

La première est une mission d’information. À ce titre, nous relayons à travers notre newsletter, notre site internet et notre compte LinkedIn l’actualité des différents acteurs sur l’adaptation et la transition écologique du bâtiment (webinaires, appels à projets, études, guides etc).

Nous produisons aussi des ressources sur des thématiques variées, des fiches ressources et des dossiers thématiques sur les questions de la rénovation, de l’économie circulaire, des matériaux biosourcés, ou encore de l’urbanisme et la santé. À titre d’exemple, Ekopolis a produit un dossier thématique sur l’Adaptation au changement climatiques et aux risques naturels.

Notre seconde mission est une mission d’animation. Elle consiste à faciliter les échanges entre professionnels autour de la transition écologique du bâtiment et de l’aménagement. Nous participons ainsi à de nombreux groupes de travail sur les thématiques citées plus haut. Nous en pilotons également certains, et nos adhérents sont alors sollicités pour y contribuer. La mission d’animation se manifeste par ailleurs par l’élaboration d'événements thématiques, (comme les cycles RSD et Réhabi[li]ter dont j’ai parlé, ou encore les journées franciliennes Economie circulaire et une journée francilienne Urbanisme et Santé), de petits-déjeuners techniques, de visites d’opérations…

Ekopolis est également un centre de formation, qui s’adresse aux maîtres d'oeuvre et aux maîtres d’ouvrage.

Enfin, la 4ème mission d’Ekopolis est une mission d’accompagnement. Elle se veut opérationnelle, au plus proche des équipes projets. Elle se manifeste à travers notre démarche Bâtiments durables franciliens (BDF) et Quartiers durables franciliens (QDF).

¹ Adoption du 3ème plan national d’adaptation au changement climatique par le gouvernement, le 10 mars dernier.

² Le CSTB en a fait l’année dernière le thème de sa journée de recherche. L’Institut Paris Région va y consacrer plusieurs webinaires. Et la Région Ile-de-France lancera bientôt son observatoire régional de l’adaptation au changement climatique pour accompagner les collectivités territoriales.

Véronique Pappe, Directrice d'Ekopolis