Notre-Dame de Paris, la résurrection

11 déc 2024Édito

Le 8 décembre dernier, Notre-Dame de Paris était rendu au monde après cinq années de travail acharné. Joyau de l’art gothique primitif, monument éclatant du siècle des cathédrales et de l’âge d’or capétien, Notre-Dame de Paris est aujourd’hui plus que jamais dans le cœur de l’humanité tout entière et avant tout dans celui des Parisiens.

L’émoi et la mobilisation mondiale après l’incendie du 15 avril 2019 aura permis cette restauration en un temps record. Ce travail, nous le devons à plus de 2000 artisans et compagnons du devoir qui ont œuvré, jour et nuit, pour venir à bout de ce chantier colossal et inédit dans l’histoire contemporaine de notre pays.

Restaurer un tel édifice, dans le respect des règles de l’art et de l’héritage séculaire des bâtisseurs de cathédrales, a exigé une mobilisation sans faille de nombreuses professions : charpentiers, tailleurs de pierre, forgerons, couvreurs, sculpteurs, vitraillistes mais aussi l’ensemble des fonctions support auront été indispensables pour terminer ce chantier en cinq années, alors qu’il a fallu près de 200 ans pour construire ce chef d’œuvre architectural. Je souhaite, avec l’ensemble de mon Conseil, saluer vivement leur travail et leur dévouement.

Notre-Dame de Paris, c’est avant tout une volonté politique. Le projet initial s’inscrit, en 1163, dans le grand réaménagement de l’Ile-de la Cité, lieu du pouvoir royal. Une nouvelle cathédrale pour une grande capitale, voici l’ambition qui sera donnée lors du long règne de Philippe Auguste.

Au lendemain de la catastrophe, la volonté politique de restaurer Notre-Dame s’est traduite par un investissement important de l’Etat, aux côtés de mécènes privés. Durant ces cinq années, le pilotage de ces travaux se sera effectué dans la fraternité et le souci de la responsabilité historique. C’est pourquoi je souhaite féliciter tout particulièrement la mobilisation sans faille des services de la DRAC d’Ile-de-France pour son accompagnement dans le pilotage de la restauration.

Pour traduire cette volonté politique, il a été fondamental de faire appel à des architectes. Rarement mentionnés à l’époque, ils sont les représentants de notre profession dont l’héritage s’étend sur des siècles. Tombés dans les limbes de l’histoire, je souhaite ici rappeler leurs contributions qui font honneur à notre métier. Sous l’impulsion de Maurice de Sully, le premier d’entre eux, Jean de Chelles, a joué un rôle fondamental dans le perçage de grandes baies vitrées dans les murs épais de la cathédrale. Son successeur Pierre de Montreuil révolutionnera l’architecture, donnant tout son sens au courant « gothique », une architecture qui s’élève du sol aux immenses voutes, portées par de gros piliers et des retombées d’ogives. Son fils, Pierre de Chelles et ses deux successeurs, Jean Ravy et Jean Le Bouteiller, termineront le travail entrepris en l’enrichissant constamment, rivalisant de nouvelles formes et techniques architecturales.

Près de 500 ans après son achèvement, on ne peut éluder l’apport considérable d’Eugène Viollet-le-Duc sur Notre-Dame, qu’il résume parfaitement lui-même : « restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n'avoir jamais existé à un moment donné ».

A ce titre, il faut souligner l’engagement et le travail inlassables de notre confrère Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques et de Notre-Dame depuis 2013, et de l’ensemble des architectes qui l’ont accompagné. Ce chantier d’une vie aura permis de mieux comprendre l’inventivité des bâtisseurs et de comprendre les choix techniques, esthétiques et architecturaux qui ont durablement transformé Notre-Dame au XIXème siècle.

Depuis 860 ans, le rôle des architectes autour de Notre-Dame est décisif pour sa conception, sa construction, son entretien, sa transformation puis sa restauration. Notre-Dame de Paris incarne les valeurs de l’architecture : audacieuse, inventive, et lumineuse. Avec cette restauration, Notre-Dame de Paris inaugure donc une nouvelle ère de son Histoire, et de nouvelles perspectives pour l’avenir.

 Laurence Bertaud, Présidente de l'Ordre des architectes d'Ile-de-France

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